XXXVI Images de l'homme devant la mort
Philippe Ariès 1977
Édition du Seuil, 276 pages
Catégorie Les grands textes de l'histoire
Contenu *****
Facilité de lecture *****
Extrait
On dirait le baiser des détraqueurs de Harry Potter.
Il n'est pas sûr que, comme on l'a toujours cru, l'homme soit le seul animal à savoir qu'il va mourir. En revanche, il est bien le seul à enterrer ses morts. Il se distingue par là même des hominiens qui l'ont précédé et dont certains connaissaient déjà le feu et l'outil. Le premier humain, - l'homo sapiens, le chasseur-cueilleur du Neandertal-a été aussi le premier à disposer ses défunts dans des logis, véritables sépultures collectives, sans doute familiales : nos plus anciens cimetières, vieux de près de 40 000 ans. page 7
Un très beau livre
C'est un très beau livre, instructif et très intéressant. Bien imagée, le livre nous expose la vision que se font les humains de la mort, et leur façon de l'exprimer en images. Du squelette au spectre, la mort est illustrée dans toutes les cultures.
Philippe Ariès explique la formation des cimetières, très parlant. Les cimetières tel qu'on les connait, à proximité des églises, est une façon très contemporaine de traiter les morts. Chez les romains, les morts étaient enterrées sur la voie romaine, les plus riches près des portes de la ville, les plus pauvres, dans des sortes de "voirie" .
page 8
"À Rome ou à Pompéi, nous constatons que les morts sont exclus de la ville. Les morts ne doivent pas troubler les vivants ni de se mêler à eux. Toutefois ils ne furent ni expédiés au loin ni tout à fait isolés : il fallait qu'on puisse facilement leur porter les offrandes apaisantes, ou manger et boire auprès d'eux. Aussi étaient-ils déposés dès la sortie de la ville, à ses portes et le long des routes qui y menaient, comme la via Appia à Rome. Les tombes étaient situées de chaque côté de la route et constituaient deux minces cordons tumulaires étirés à travers la campagne. On n'avait pas l'idée d'un espace spécialisé réservé aux sépultures : on enterrait là où on pouvait, où l'on voulait, pourvu que ce fût hors de la ville."
Les tombes étaient des monuments édifiés par les notables de la ville, qui éprouvaient le besoin d'entretenir leur renommée et de s'imposer au-delà de la mort au souvenir de leurs contemporaines.
Puis après le cimetière linéaire, le cimetière verticale et l'arrivée des catacombes et le cimetière horizontale, qui s'étend derrière les églises.
page 20
Le phénomène se répète dans toutes les villes de l'Empire romain : des saints et des martyrs chrétiens étaient enterrés dans les cimetières suburbains, qui servaient è la fois aux chrétiens et aux païens. Les tombes de ces saints étaient devenues un objet de culte : les fidèles affluèrent, on y célébrait la messe. Ensuite, deuxième étape, des églises furent construites à ce même endroit pour accueillir les pèlerins, les canaliser et organiser le culte des saints. ... Ainsi, un type nouveau de cimetière apparut, encore extramuros, mais organisé autour de l'église. Il arriva qu'il devint à son tour le centre d'un nouvel habitat : le bourg ou le faubourg.
La vision qu'on porte sur la mort change au cours de l'histoire. La visualisation de la mort passe de quelque chose de naturelle à " une transgression qui arrache l'homme à sa vie quotidienne, à sa société raisonnable, à son travail monotone, pour le soumettre à un paroxysme et le jeter alors dans un monde irrationnel, violent et cruel."
"La mort est aujourd’hui une rupture, alors que dans le passé elle était si présente autour de l’homme qu’elle faisait en quelque sorte partie de la vie. On pouvait effectivement mourir très facilement, et la mort ne paraissait pas comme quelque chose d’extraordinaire. Ariès donne l’exemple du cimetière, qui dans le passé était bâti intra-muros et qui aujourd’hui tend à éviter une trop grande proximité avec les vivants du centre-ville."
À lire pour voir comment l'humanité modifie ses visions des choses. La partie sur les gisants est particulièrement intéressantes.
Tombeau d'Aliénor d'Aquitaine, début du XIIIe siècle. Celle-ci lit sur sa couche. Il est frappant qu'une des premières représentations funéraires de la femme ait été celle d'une lectrice.
Défi 2011-2012
Rappel de mon défi, lire 49 livres en 49 semaines. Le choix des livres se fait dans la sélection tirée de La Bibliothèque idéale.
- La Bibliothèque idéale est un ouvrage réalisé sous la direction de Pierre Boncenne, avec la collaboration d'Alain Jaubert, Hugues de Kerret, préfacé par Bernard Pivot, et publié chez Albin Michel en 1988. L'ouvrage présente les cinquante « meilleures » œuvres de la littérature de la plupart des régions du monde. Un classement est également donné par thèmes, de la cuisine à la littérature amoureuse.
Lundi 23 janvier 2012, lecture du 37e livre de la catégorie, Les grandes figures de l'histoire, Mirabeau, de Guy Chaussinand-Nogaret. Parution de mes commentaires, dimanche le dimanche 29 janvier 2012.
Merci de votre visite, Jardin botanique de Montréal 18 janvier 2012