XXX La Poétique
Aristote vers 344 avant J.-C.
Texte, traduction, notes par Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot
Éditions du Seuil, 465 pages
Catégorie : Le livre comme miroir
Facilité de lecture **
Contenu ****
Extraits
"La frayeur et la pitié peuvent assurément naître du spectacle, mais elles peuvent naître aussi du système des faits lui-même: c'est là le procédé qui tient le premier rang et révèle le meilleur poète."
Page 81
"L'épopée a un trait bien particulier qui lui permet d'accroître son étendue; c'est que, dans la tragédie, il n'est pas possible de représenter plusieurs parties de l'action qui se produisent simultanément - on peut seulement représenter celle que les acteurs jouent sur la scène -, tandis que dans l'épopée, qui est un récit, on peut raconter plusieurs parties de l'histoire qui se réalisent simultanément : bien appropriées à l'action, elles augmentent l'ampleur du poème; l'épopée dispose donc là d'un excellent moyen pour atteindre la grandeur, et procurer à l'auditeur la plaisir du changement en introduisant des épisodes variés; en effet l'uniformité, qui produit vite la saturation, cause l'échec des tragédies."
Pages 124-125
"L'art poétique dans son ensemble paraît devoir sa naissance à deux causes, toutes deux naturelles.
- Dès l'enfance les hommes ont, inscrites dans leur nature, à la fois une tendance à représenter - et l'homme se différencie des autres animaux parce qu'il est particulièrement enclin à représenter et qu'il a recours à la représentation dans ses premiers apprentissages - et une tendance à trouver du plaisir aux représentations. Nous en avons une preuve dans l'expérience pratique : nous avons plaisir à regarder les images les plus soignées des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, par exemple les formes d'animaux parfaitement ignobles ou de cadavres; la raison en est qu'apprendre est un plaisir non seulement pour les philosophes, mais également pour les autres hommes ,mais ce qu'il y a de commun entre eux sur ce point se limite à peu de chose; en effet si l'on aime à voir des images, c'est qu'en les regardant on apprend à connaitre et on conclut ce qu'est chaque chose comme lorsqu'on dit: celui-là, c'est lui. Car si on n'a pas vu auparavant, ce n'est pas la représentation qui procurera le plaisir, mais il viendra du fini dans l'exécution, de la couleur ou d'une autre cause de ce genre."
Page 43
"Venons-en à l'art de représenter par le récit en vers. Il est bien clair que, comme dans la tragédie, les histoires doivent être construites en forme de drame et être centrées sur une action une qui forme un tout et va jusqu'à son terme, avec un commencement, un milieu et une fin, pour que, semblables à un être vivant un et qui forme un tout, elles produisent le plaisir qui leur est propre; leur structure ne doit pas être semblable à celle des chroniques qui sont nécessairement l'exposé, non d'une action une, mais d'une période unique avec tous les événements qui se sont produits dans son cours, affectant un seul ou plusieurs hommes et entretenant les uns avec les autres des relations contingentes; car c'est dans la même période qu'eurent lieu la bataille navale de Salamine et la bataille des Carthaginois en Sicile, qui ne tendaient en rien vers le même terme; et il se peut de même que dans des périodes consécutives se produisent l'un après l'autre deux événements qui n'aboutissent en rien à un terme un."
"Or on peut dire que la plupart des poètes font ainsi; aussi, comme nous l'avons déjà dit, sur ce point encore Homère peut paraître divinement inspiré en comparaison des autres: même la guerre de Troie, qui avait un commencement et une fin, il n'a pas essayé de la composer tout entière, ni d'en modérer l'étendue ce qui l'aurait rendue inextricable à force de diversité. En fait il a retenu une partie unique, et il a tiré du reste de nombreux épisodes, comme le catalogue des vaisseaux ou autres épisodes, dont il parsème sa composition; les autres, au contraire, consacrant leur poème à un héros unique et à une période unique, composent une action à plusieurs parties; exemple: l'auteur des Chants cypriens et de la Petite Iliade. On comprend donc que l'Iliade et l'Odyssée aient fourni chacune le sujet d'une tragédie ou de deux au plus, tandis que les Chants cypriens en ont fourni plusieurs et la Petite Iliade plus de huit, à savoir l'Attribution des armes, Philoctète, Néoptolème, Eurypyle, le Mendiant, les Lacédomoniennes, le Sac de Troie, le Retour de la flotte, Sinon et les Troyennes."
« Cette purification, ou catharsis vient de la pitié et la crainte qu’éprouvent les spectateurs envers les personnages de la tragédie. Pour que cette catharsis soit possible, il faut que les personnages soient une imitation (mimêsis) des passions humaines, des imitations aussi vraisemblables que possibles. L’intrigue, elle, doit être aussi cohérente que possible, et se dérouler sans accroc depuis la situation de départ jusqu’à la conclusion. Le meilleur exemple, c’est l’Œdipe Roi, de Sophocle ; à l’opposé, la Médée d’Euripide est considérée comme un exemple inférieur de tragédie, du fait du deus ex machina final. Médée emporte les cadavres des enfants qu’elle a eues avec Jason sur un chariot de feu. »
page 119
On dirait une chronique de Bernard Pivot !
La Poétique, c'est la classification des arts de représentation. Pas seulement poésie, mais scénarisation, mécanismes de mise en place des événements, utilisation des mots clés, etc. À remettre dans le contexte -400 JC. Ça décrit différents aspects de l’art poétique, comme la tragédie, l’épopée et la comédie. La Poétique peut servir pour construire des scénarios d'animation et du contenu de site. C'est actuel après 2400 ans. Il écrit comme un pédagogue, un genre de vulgarisateur, témoin de son époque, qui cite ses contemporains et classifie les genres. Une intelligence aux intérêts multiples, un Léonard de Vinci adapté à son époque.
Je trouvais que ce livre me faisait penser au Nom de la Rose, d'Emberto Eco. J'avais raison comme Wikipédia le mentionne : "Pour les besoins de son roman, l'auteur invente et rédige quelques extraits du second volume de La Poétique, consacré à la comédie. L'intrigue du roman tourne autour d'un livre mystérieux, interdit, lié à une série de morts suspectes. Ce livre, qui n'est autre que cette deuxième partie de la Poétique, disparaît à jamais dans les flammes, ce qui explique qu'il faut désormais se contenter du premier, consacré à la tragédie."
Défi 2011-2012
Aucun rapport avec la Poétique mais entièrement en rapport à la Poétique, j'ai assisté au spectacle de Jane Birkin au Métropolis. Wonder full Jane.
L'hiver s'installe avec neige mouillée, pluie, vent et soleil froid. J'ai emprunté ce livre à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Mon défi, lire 49 livres en 49 semaines. Lundi 12 décembre 2011, début du 32e livre de la catégorie Arts de tous les temps, Curiosités esthétiques de Charles Baudelaire. Publication de mes commentaires accompagnés de photos, dimanche 18 décembre 2011.
Merci de votre visite, Jardin botanique de Montréal décembre 2011
Orchidée, Jardin botanique de Montréal 10 décembre 2011
Biographie
Sa vie est trop intéressante alors je me permets d'insérer une partie de sa biographie.
Wikipédia
Aristote, philosophe grec né en Macédoine en -384, et mort en -322. Disciple de Platon à l'Académie pendant plus de 20 ans, il fonda le Lycée. Il fut également précepteur d'Alexandre le Grand.
Véritable encyclopédiste, il s'est beaucoup intéressé aux arts (musique, rhétorique, théâtre) et aux sciences (physique, biologie, cosmologie) de son époque ; il en théorisa les principes et effectua des recherches empiriques pour les appuyer. Il élabora une réflexion fondamentale sur l'éthique et sur la politique qui influença durablement l'Occident. Il est considéré comme l'inventeur de la logique, il systématisa l'usage des syllogismes et décrivit les rouages des sophismes.
Son père, Nicomaque, était le médecin du roi Amyntas II de Macédoine. Sa mère, Phaéstis, était une sage-femme originaire de l'île d'Eubée. Il perdit à 11 ans son père, puis sa mère, et fut élevé par son beau-frère, où il se lie d'amitié avec Hermias d'Atarnée, futur tyran de Mysie.
Assoiffé de connaissance, il se rendit à Athènes. Il décida de rentrer à l’Académie de Platon à l’âge de 17 ans, vers -367, alors que Platon se trouve en Sicile. Il y fut remarqué pour son intelligence. Platon lui donne le droit d’enseigner, surtout la rhétorique. Il resta 20 ans à l'Académie, jusqu'à la mort de Platon. Celui-ci l’appelle « le lecteur » ou « l'intelligence de l'école ».
Il est critique, il rejette la théorie des Idées, centrale chez Platon. « Ami de Platon, mais encore plus de la vérité. » Aristote disait : « Ce sont des amis qui ont introduit la doctrine des Idées. (...) Vérité et amitié nous sont chères l'une et l'autre, mais c'est pour nous un devoir sacré d'accorder la préférence à la vérité. »
Sa première période de production se place à l'Académie (-366/-346). Il écrit 19 œuvres, dont des dialogues de philosophie platonicienne, aujourd'hui perdus. Il s'oppose à Platon sur la théorie des Idées.
Il s’intéressa à la vie politique locale mais ne put y participer (statut de métèque, étranger à la cité).
À la mort de Platon, en -346, son neveu lui succède. Dépité, Aristote part pour Atarnée, avec deux condisciples. Il se peut qu'il ait fui une Athènes hostile aux Macédoniens, dont le roi Philippe II venait de massacrer une ville amie des Athéniens. Il rejoint Hermias d'Atarnée, un ami d'enfance, « tyran » du royaume de Mysie et retrouve un cercle platonicien. Il passe à Assos après un refroidissement dans ses relations avec Hermias d'Atarnée et poursuit ses recherches biologiques. Il commence à observer la faune marine et ouvre une école de philosophie, sorte de filiale de l'Académie.
En -344, quand Hermias d'Atarnée, fut exécuté par les Perses, il se rendit à Mytilène chez Théophraste et ouvre sa 2ieme école. En -343, il rentra en Macédoine pour devenir le précepteur du futur Alexandre le Grand, âgé de 13 ans. Il lui enseigne les lettres, dont l’Iliade et la politique.
Vers -341, il épouse Pythias, nièce et fille adoptive d'Hermias d'Atarnée. Elle aura une fille, Pithias.
Durant sa deuxième période de production -345/-335, il acquiert de nombreuses amitiés. Il produit alors la suite de la Physique, Du ciel, De la génération et de la corruption, la suite de la Métaphysique, une partie de l’Éthique à Nicomaque , la Rhétorique, et la Poétique.
Une seconde fois, la direction de l'Académie lui échappe, cette fois au profit de son condisciple et ami Xénocrate, en -339. On dit qu'il s'exclama alors : « Il est honteux de se taire et de laisser parler Xénocrate. » Il fonde alors sa troisième école, le fameux Lycée, sur un terrain loué, mais non acheté Aristote est un métèque, il n'a pas le droit à la propriété. Le mot « Lycée » vient de ce que le lieu est voisin d'un sanctuaire dédié à Apollon Lycien.
Ainsi nait l’école péripatéticienne. « Péripatéticienne » vient de peripatein, « se promener ». Le Lycée était situé sur un lieu de promenade (peripatos) ou bien le maître et les disciples philosophaient en marchant. Les aristotéliciens sont "ceux qui se promènent près du Lycée ».
Le Lycée comprenait une bibliothèque, un musée... qu'Alexandre le Grand finançait. Aristote faisait deux types de cours, acroamatique pour les avancés, l'autre, ouvert à tous, exotérique.
Devenu veuf à Athènes, en -338 il épouse Herpyllis, a un fils, Nicomaque, du nom de son père. Il mourut jeune. L'ouvrage consacré aux thèmes de la vertu et de l'action prudente, Éthique à Nicomaque, lui est dédié.
La troisième et dernière période de production se place ainsi au Lycée (-335/-323), pour treize ans.
De cette période relèveraient le livre VIII de la Métaphysique, les Petits traités d'histoire naturelle, l’Éthique à Eudème, l'autre partie de Éthique à Nicomaque, de la Constitution d'Athènes, des Économiques.
Il accompagne peut-être Alexandre le Grand en Asie Mineure, en Syrie et en Égypte, entre -335 et -331, mais la réalité historique n'est pas établie de manière certaine. En -327, quand Alexandre fait mettre à mort son neveu, les relations entre eux s'assombrissent.
Aristote mourut, à l'âge de 63 ans, d'une maladie d'estomac en -322, à Chalcis, ville de sa mère. Théophraste, son ami, lui succéda à la tête du Lycée, qui subsistera jusqu'en 529 après J.C. lorsque l'empereur Justinien Ier voulut mettre fin à la philosophie "païenne".